Fevis

March 2024

L’Inde était un pays qui avait une place particulière dans une sorte de mythologie familiale personnelle, et je m’étais toujours promis que seul un projet musical me déciderait à m’y rendre. L’occasion s’est enfin présentée !

3 questions à Thierry Pécou : « Cela a été une expérience fascinante, et surprenante pour moi en voyant à quel point des musiques fondées sur des principes aussi éloignés pouvaient avec un tel naturel entrer en dialogue. » 

 

© Cyrille Guir

 

Le 28 mars prochain, l’Ensemble Variances, investira la fameuse Salle Cortot à Paris pour une soirée festive qui se déroulera en deux temps : à 19h, une présentation musicale et conviviale en avant-première de leur nouvel album « Sangata » (label Klarthe) réalisé en collaboration avec trois jeunes artistes indiens autour des œuvres de Thierry Pécou et de Rishab Prasanna ; et à 20h un concert autour du programme « Miroirs » dans le cadre de la résidence de l’ensemble à l’Ecole Nationale de Musique Alfred Cortot. 

Pour cette occasion, Thierry Pécou, directeur artistique de l’ensemble, a accepté de répondre aux questions de la FEVIS.

 

« L’Inde était un pays qui avait une place particulière dans une sorte de mythologie familiale personnelle, et je m’étais toujours promis que seul un projet musical me déciderait à m’y rendre. L’occasion s’est enfin présentée ! »

 

La première partie de soirée sera dédiée à la présentation de votre album « Sangata », la connivence en langage Sanskrit, qui offre un dialogue interculturel entre la musique indienne de tradition hindoustanie et vos propres compositions. Pouvez-vous nous raconter comment est née cette rencontre et ce projet initié en 2019 ?

Thierry Pécou : En 2018, à l’initiative de l’Alliance Française de Delhi et de son directeur d’alors, Jean-François Ramon, et avec la collaboration de l’association Kalasetu, j’ai effectué un séjour en Inde avec Carjez Gerretsen, clarinettiste de l’Ensemble Variances, pour rencontrer des musiciens indiens de la jeune génération. L’Inde était un pays qui avait une place particulière dans une sorte de mythologie familiale personnelle, et je m’étais toujours promis que seul un projet musical me déciderait à m’y rendre. L’occasion s’est enfin présentée !

Nous avons décidé, à l’issue de ce voyage, de construire un projet mêlant la tradition musicale hindoustanie et un travail de composition que je réaliserai pour une violoniste, un flûtiste (bansuri), l’indispensable joueur de tabla d’un côté, et de l’autre une flûte, une clarinette et un piano électrique jouant aussi de l’harmonium indien. Ce projet que nous avons nommé Sangata, est né un an plus tard à Delhi puis en tournée en France, après une résidence de travail de tissage des deux univers. Cela a été une expérience fascinante, et surprenante pour moi en voyant à quel point des musiques fondées sur des principes aussi éloignés pouvaient avec un tel naturel entrer en dialogue.

Album Sangata, label Klarthe

Teaser album Sangata, images captées en 2018 dans le cadre du Festival Détours de Babel
Revue de presse du programme Sangata
Rishab Prasanna, une flûte radieuse venue d’Inde, La Croix, 2019

 

Depuis sa création en 2010, l’Ensemble Variances, dans la lignée artistique qui est la vôtre, a vocation à explorer les cultures de tradition orale dans le monde et à les allier à une recherche création musicale expressive et humaniste. Quels autres projets influencés par ces cultures anciennes et mythologiques avez-vous mené ?

Thierry Pécou : J’ai, dès les années 1990, beaucoup travaillé sur les cultures et musiques amérindiennes, notamment sur les Andes préhispaniques et actuelles, mais pour se limiter aux projets menés avec l’Ensemble Variances depuis 2010, il y a d’abord eu une création sur les traditions de la Martinique avec le grand musicien Dédé Saint-Prix, puis un projet sur la musique turque avec le compositeur américain Michael Ellison. 

Puis un des projets les plus marquants a été celui que nous avons mené autour de la médecine rituelle et des Histoires sacrées des Indiens navajos. Là aussi, la démarche a été de se rendre sur place dans le Southwest des Etats-Unis, de rencontrer des acteurs de la Nation Navajo, notamment la poétesse Laura Tohe qui a écrit le livret de mon opéra Nahasdzaan in the Glittering World. Ce projet que je considère comme l’un des plus importants, avait quelque-chose de visionnaire anticipant la dégradation accélérée des conditions environnementales et surtout la crise sanitaire due au Covid 19.

Les artistes de l’album Sangata © Kirpal Singh

Thierry Pécou, à l’écoute du monde, France Musique, 2021
Thierry Pécou et les dialogues de la musique, Le Devoir (tournée de l’Ensemble Variances au Canada en octobre 2023)

 

La soirée se clôturera sur un concert autour du programme « Miroirs ». Ce thème à la dimension hautement symbolique et multiple, a influencé de nombreux compositeur·rice·s depuis la période baroque jusqu’à nos jours. Comment avez-vous été inspiré pour créer ce programme ?

Thierry Pécou : Le miroir est un thème philosophique aux déclinaisons infinies, et en musique c’est une figure très présente à la fois sur le plan symbolique et sur le plan structurel. Ici, j’ai d’abord voulu mettre en regard des oeuvres qui sont ainsi couplées dans le programme pour leur proximité, leur affinité thématique, tout en faisant entendre des pièces directement inspirées des mille nuances du miroir telles que Mirrors de Kaija Saariaho, Miroirs de Othman Louati ou Mémoires du miroir de Quartz de Marc Patch. 

Ensemble Variances © Emmanuel Braun

 

Marine Gacogne

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