Life

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Une ode rythmique à la Création 

C’est peut-être le plus grand miracle de tous : la vie. Essayez de vous représenter l’immense complexité de l’écosystème qui nous fournit tout ce dont nous avons besoin pour survivre, quel que soit l’endroit où nous vivons sur la planète. Nos cerveaux sont incapables de penser tous les aspects que cela implique, même à l’ère scientifique où nous vivons, qui a inventé les voyages dans l’espace et des technologies permettant de voir bien au-delà des endroits que nous pouvons atteindre physiquement. Essayez de calculer les probabilités que la vie se soit développée en vertu d’un pur hasard, le résultat tendra autant vers l’impossible que vous pourrez l’imaginer. 

Quand la rationalité ne parvient pas entièrement à nous convaincre, la spiritualité comble les vides. C’est là l’état d’esprit dans lequel la créativité peut s’épanouir, la raison pour laquelle les arts sont nés. 

Musique, danse, images

Mais nous resterons sur Terre. Nous allons simplement nous émerveiller, admirer et célébrer le miracle de l’existence dans notre ode à la vie. Une ode rythmique, utilisant les instruments de musique les plus anciens qu’a inventés l’humanité. Quelle est en effet la toute première chose que nous entendons quand une nouvelle vie est en train de naître ? Un battement de cœur. Une pulsation qui représente la vie elle-même, de la première étincelle de lumière jusqu’à la vieillesse. 

1. Le programme commence avec une contrebasse et un violoncelle, jouant les premières pulsations, lentes, graves et sombres, de l’Hymne II d’Alfred Schnittke. Cela crée d’emblée une atmosphère méditative, intériorisée et mystérieuse, tout en donnant l’impression que quelque chose est sur le point de se produire. Vers la fin de cette pièce, les deux instruments montent de plus en plus haut, presque au-delà de leurs capacités naturelles, et, quand ils finissent par se dissoudre, on ne peut s’empêcher de penser : « et la lumière fut ». 

2. Écrite comme un hommage, Pulau Dewata, (ce qui signifie « l’île des dieux ») est le résultat d’une visite à Bali qui a marqué le début d’une nouvelle période dans l’évolution stylistique de Paul Vivier. Dans ses notes, le compositeur explique qu’il voulait écrire une pièce toute simple : un morceau court, monochrome, avant tout rempli de joie. Le langage rythmique est tiré de la ligne rythmique balinaise, la fin de la pièce est même une citation exacte du « panjit prana », la danse d’offrande du legong. Selon les propres mots de Vivier : « C’est la musique d’un enfant… » 

3. Enseignant et compositeur, Louis Andriessen est une des figures clés du monde de la musique contemporaine en Europe. Inspirée d’une forme de vie non humaine, Woodpecker, pièce pour marimba redoutablement difficile à jouer, imite si parfaitement les sons rapides propres au pic que l’on se met presque à chercher des yeux l’oiseau véritable. C’est une œuvre rapide, excitante et joyeuse, qui nous rappelle ce que les animaux et les enfants savent si bien faire : vivre dans l’instant et en profiter pleinement. 

4. À l’origine, Thierry Pécou a écrit son Nanook Trio pour accompagner le film muet Nanook of the North (Nanouk l’Esquimau, documentaire de long métrage réalisé en 1922 par Robert Flaherty). Les matériaux rythmiques et mélodiques des trois mouvements correspondent chacun à une scène particulière du film, montrant un aspect de la dure vie quotidienne d’une famille inuit dans l’Arctique canadien. On aurait pu s’attendre à une œuvre sérieuse, donnant une image grave de cette lutte terrible avec une nature impitoyable, au lieu de quoi, ce sont l’humour et la tendresse de la vie de famille qui y prédominent. 

Après l’entracte, la formation instrumentale se retrouve en effectif complet pour les deux dernières œuvres du programme. 

5. Sextuor de Thierry Pécou s’inspire du gamelan indonésien traditionnel, exprimant les émotions qu’il a ressenties lorsqu’il l’a écouté pour la première fois. À en croire la mythologie javanaise, le premier ensemble de gongs a été inventé par un Roi-Dieu. C’est peut-être pour cette raison que cette musique, où le rôle principal revient aux percussions, est encore jouée lors d’occasions solennelles et de cérémonies, accompagnant souvent des danses. Sans imiter l’original, Pécou a réussi à saisir à la fois l’impression de fête et le sentiment cérémoniel dans une pièce pleine de puissantes vibrations rythmiques changeant constamment. 

6. Le grand finale est réservé à Louis Andriessen, dont l’œuvre Life, écrite pour l’ensemble musical Bang on a Can, est une belle synthèse de l’héritage musical classique et romantique de la vieille Europe et du style répétitif des compositeurs minimalistes américains. Andriessen a demandé à Marijke van Warmerdam de créer un film pour cette pièce, « une toute nouvelle version des Tableaux d’une exposition ». Le résultat est une image musicale et visuelle merveilleusement forte, agrémentée d’une certaine mélancolie, que nous ressentons tous de temps en temps quand nous nous rapprochons du moment où le cercle de notre vie sera achevé. 

En tant que telle, Life peut aussi être considérée comme un symbole pour l’Ensemble Variance et sa mission essentielle : l’échange entre cultures, entre disciplines différentes, entre les vieux mondes et les nouveaux mondes, entre traditions et pionniers. Quelle meilleure façon de célébrer la vie telle qu’elle est, ici et maintenant ? 

Vidéo

Programme

Alfred Schnittke

Hymne II pour violoncelle et contrebasse 

Claude Vivier

Pulau Dewata pour ensemble 

Louis Andriessen

Woodpecker pour marimba 

Thierry Pécou

Nanook Trio pour clarinette, saxophone et piano 

Thierry Pécou 

Sextuor version flûte, saxophone, clarinette, guitare électrique, marimba, violoncelle et piano 

Louis Andriessen 

Life pour saxophone, clarinette, percussions, piano, guitare, violoncelle et contrebasse. Avec un film de Marijke van Warmerdam

Effectif

Anne Cartel flûte 
Carjez Gerretsen clarinette 
Nicolas Prost saxophone 
David Louwerse violoncelle 
Laurene Durantel contrebasse 
Elisa Humanes percussions 
Pierre Bibault guitare électrique 
Thierry Pécou piano 
(8 musiciens + technicien)